Le témoignage de Marie-Hélène, aide à domicile

Quel vaste sujet ! ça tombe bien je le connais un peu je le pratique depuis quelques années. Me lever de bonne heure, m’habiller, faire ma toilette, petit dèj., et hop ! En voiture, me voilà partie au boulot.

Il y a 27 ans de cela un coup de téléphone allait changer ma vie à jamais. Moi la gamine timide mais têtue et dont beaucoup se moquaient à l’école, qualifiée bien souvent de faignante par les uns et incapable de faire quelque chose de sa vie par les autres, allait devenir pendant trois mois à l’essai, Aide ménagère. Je vous avoue que ça me faisait un peu peur.

Je me disais : « Est-ce que je vais être à la hauteur ? », « Comment ça va se passer ? », « Est-ce que je vais plaire ? », « Est-ce que je vais savoir faire ? ».

Toutes ces questions se bousculaient dans ma tête. Depuis bien des années maintenant je ne me pose plus ces questions, je reste moi-même et je vois ce qu’il se passe le moment venu.

Il faut que je vous dise aussi que je voulais clouer le bec à certains  à l’époque et je comptais bien tout faire pour réussir ma mission.

Les trois mois à l’essai partaient sur les chapeaux de roues et n’étaient pas une promenade de santé. Si bien qu’après des litres de transpiration et 7 kg en moins, à la sueur de mon front et avec l’huile de coude je réussissais mon passage tardif dans la vie active auprès des personnes âgées. Après un apprentissage de vendeuse alimentaire, mariée, deux enfants et du haut de mes trente trois ans me voilà parachutée  dans la vie intime de gens en perte d’autonomie.

Des personnes que je connais, que je rencontrais tous les jours et dont j’ignorais un bout de leur histoire de vie, d’autres que je ne connais pas mais que j’apprends à connaitre ou bien je suis simplement de passage pour quelques heures dans leur vie juste le temps pour eux de se confier un peu. A mes débuts j’étais aide ménagère. Je travaillais de 8h à 12h et de 14h à 18h, il ne fallait pas dépasser. Je  faisais l’entretien du linge, du domicile, je confectionnais des repas pour les uns, j’aidais à la préparation de ceux-ci pour d’autres, je faisais un peu de couture, je reprisais quelques bas ou chaussettes par ci, je cousais quelques boutons ou jarretelles par là, il ne fallait pas gaspiller. Je me suis même apprise toute seule à tourner un col de chemise et j’étais toute contente d’avoir réussi. Les personnes chez qui j’intervenais étaient vieillissantes sans pathologies particulières mais elles ne pouvaient plus accomplir certains actes de la vie quotidienne. Parfois de connaitre un bout de leur histoire de vie  m’aidait et m’aide toujours lors de mon intervention. On se remémore certains moments, des personnes qu’on a connu autrefois, comment était le village de nos jeunesses réciproques, ils me racontent leurs souvenirs enfin, qu’on se connaisse ou pas nous échangeons des idées, du savoir, des conseils, des regards, des silences. « Il ne faut pas travailler avec l’affect ! » m’a-t-on dit. Je regrette je suis un être humain pas une machine le tout c’est de ne pas se faire bouffer, de prendre assez de recul bien que parfois ce soit difficile pour pouvoir gérer les émotions et les situations.

Dans mon travail il y a aussi les fous rire, les larmes, les bon moments, les moments difficiles, essayer de prendre de bonnes décisions, parfois faciles, d’autres fois plus compliquées pour la personne, pour moi. Puis, un jour j’ai commencé à me poser des questions, j’ai douté de moi, de mes capacités, de mes compétences, j’avais envie d’autre chose, d’évoluer, j’avais l’impression que je n’avançais plus, je faisais du surplace, j’avais l’impression d’avoir fait le tour de ce métier, ce n’était pas vrai mais c’était mon ressenti à ce moment là. Est-ce que j’allais continuer à faire ce métier ? ça y est nous y voilà ! La grande question était posée. Maintenant il me fallait y répondre. Mon travail ne me convenait plus je le trouvais déshumanisé. J’avais l’impression de partir travailler en usine à la chaîne de passer d’une maison à une autre et de faire toujours la même chose. J’ai patienté, j’ai espéré que ce métier change et au bout de quelques années on me proposa des formations, on   m’apprit que dire Aide ménagère n’était plus souhaité qu’il faudrait dire dorénavant Aide à  Domicile. Puis les attentes et les besoins des bénéficiaires et de leurs familles étaient en train de changer du coup mes interventions aussi ainsi que les horaires de travail. Il me fallait bientôt m’occuper du mieux être de nos aînés, apporter des soins de confort, des aides à la toilette, aider certains bénéficiaires à manger etc… , s’occuper de plus jeunes, de personnes qui rentrent d’hospitalisation, de personnes handicapées, de fins de vie, de malades de cancer, Alzheimer, parkinson, sclérose en plaque etc…, Des pathologies plus lourdes qu’à mes débuts, épuisantes physiquement et moralement mais qui feront désormais parti de mon quotidien. Je dois être bienveillante, je dois prendre soin de la personne, je ne dois jamais oublier que je ne suis pas chez moi, je dois être capable de m’adapter à toutes les situations.

Si dans mes premières années dans ce métier j’eu préféré le travail en établissement ce n’est plus le cas aujourd’hui, je trouve le miens très intéressant, différent. Les familles, les bénéficiaires me confient leur craintes, leurs joies, leurs peines, leurs douleurs, leur vie, ce qu’elle a été, ce qu’elle est devenue. Enfin, voici l’année où je dû passer le diplôme d’Etat d’Auxiliaire de Vie Sociale que j’obtins au deuxième passage après plusieurs mois voir plusieurs années de préparation. Bien, me voilà un grade supplémentaire, que vais-je bien pouvoir en faire ?  En fait, ce que j’ai toujours fait jusque là.

Aider, comprendre, respecter les repères, respecter la personne et ses choix de vie, être tolérante, honnête, réconforter, rassurer, parler, me taire, juste regarder, chanter, danser même, accompagner dans la continuité de la vie ou jusqu’à la fin de celle-ci, donner un peu de mon temps, partager, recevoir un peu de leur vie, de leur savoir. J’apprends beaucoup et tous les jours, je reçois des leçons de vie parfois bouleversantes, qui me bousculent et me poussent dans mes retranchements et mes remises en question. J’ai le privilège de bénéficier d’instants de vie avec des personnes de toutes les classes sociales c’est ma richesse.

Et si parfois il y a des moments plus compliqués ils font que je ne veux pas changer de métier. Certains bénéficiaires remplis de haine contre la maladie, contre le monde entier ne sachant plus comment se battre ne veulent pas faire voir leurs faiblesses, mais je sais bien qu’une fois que j’ai le dos tourné leur véritable nature reprend le dessus et quelques larmes sont versées. D’autres arrivent à un carrefour de leur vie où ils finissent par changer de chemin et ils partent vers d’autres horizons hors de la vue et d’où ils ne reviennent jamais. Certains sont même déjà partis avant de passer de l’autre côté du chemin. Mais tous laissent une trace dans un coin de mon cœur. Je vous assure qu’être Aide à Domicile, Auxiliaire de vie est un vrai métier. Il ne s’agit pas seulement de passer le balai ou d’épousseter les meubles  comme le pensent certains. On m’a dit un jour  « Oh ! bè tu fais le ménage. »J’ai répondu « Oui et alors ! » la personne m’a dit « c’est pas trop valorisant ! » à mon tour je lui ai répondu « Il n’y a pas de sot métier, il n’y a que de sottes gens. » ce métier n’est pas reconnu à sa juste valeur c’est certain. Parfois je me suis impressionnée moi-même. Jusqu’à  être surprise par l’accomplissement de choses que je ne pensais pas être capable de faire ou de supporter. Je fais ce travail et j’en suis fière. Je me prends même à certains moments à pèter plus haut que mon cul. Parce que j’aide ceux qui en on besoin, je suis utile, je ne sers pas à rien. Oui je me crois et je le redis je suis fière de moi. Une bénéficiaire m’a dit un jour  quand je suis arrivée chez elle  «  Tu es le soleil qui rentre dans ma maison, tu fais toute la différence, tu es un vrai ange pour moi. » Une autre m’a dit aussi «  Vous êtes mon ange gardien. » Ceci est mon GRAAL, ma récompense, ma reconnaissance, oui j’ai besoin à un moment d’entendre cela et oui j’ai envie de me la pèter. Mais peut être est ce plus profond et que cela  engage mon égo, que quelque part au fond de mon être j’aime sentir qu’on a besoin de mon aide. Serai-je un peu orgueilleuse ? Peut-être, un soupçon, mais ça fait du bien je le reconnais. Cette année j’ai pu enfin changer de voiture.

Après 23 ans de bon et loyaux services, ma vieille Renault 21 celle qui pour mon travail m’a accompagné comme un vieux couple que nous étions dans les bons comme dans les mauvais moments, va pouvoir prendre sa retraite bien méritée. Mais pas moi, pas encore ! Je suis fière je me répète comme le font les papys et les mamies dont je fais parti aujourd’hui. Mais grâce à mon travail je peux me payer une voiture, c’est la mienne avec mon argent. Si à quelques moment dans mon travail j’ai failli ou j’ai pu faire des erreurs, je ne dois pas être trop dure avec moi-même. J’ai fais et je fais du mieux que je peux.  Ce n’est pas facile de s’introduire dans la vie intime des gens. Il y en a qui le prennent bien et d’autres pour qui c’est difficile. Parfois il est vrai que j’arrive comme ça, comme un cheveu sur la soupe comme on dit et je leur jette brutalement à la figure qu’ils sont diminués. C’est à moi de faire en sorte que ça se passe le mieux possible dans le respect de la personne, de ses choix de vie,  des attentes et des besoins suivant parfois un plan d’aide. J’aurais beaucoup d’autres choses à dire sur ce métier mais c’est un livre qu’il aurait fallu que je fasse.

Au fil du temps je pris conscience qu’à tout moment ce métier pouvait être aussi impitoyable. Il me le prouva plusieurs fois. Il faut se blinder si on veut avancer dans les moments éprouvants tout en gardant un instant pour s’apitoyer et essayer d’accepter l’inacceptable ce qui n’est pas facile et qui me paraissait inconcevable. Aujourd’hui après 27 années dans le métier celui-ci me pèse un peu. Ce n’est pas que je ne l’aime plus mais parce que moi aussi je vieillis,  mes gestes sont plus lents, les douleurs sont présentes. Moi aussi je serais si Dieu me prête vie, dans quelques années à la retraite. A mon tour je me rappellerais peut-être et je raconterais à mon Aide à Domicile, mon Auxiliaire de vie, mon métier, ma vie, mes douleurs, mes joies, mes peines, mes souffrances. Alors moi aussi je partirais vers d’autres aventures, je pourrais  aller me reposer après avoir donné de ma personne pendant de nombreuses années pour le mieux être de nos aînés ou dans l’accompagnement de la fin de leur vie, je crois je l’aurais bien mérité.

En attendant je dois être indulgente avec moi-même, je dois prendre soin de moi car personne ne peut le faire à ma place. Aide à Domicile, Auxiliaire de Vie c’est un dur métier mais il m’a appris, il m’apprend encore sur les autres, sur moi, il m’a fait grandir. Bien sûre comme dans toutes choses ou métier ou personnes il y a un côté négatif. Le but de ce texte n’est pas de dénoncer quoi que ce soit ou qui que ce soit, les choses négatives se règlent en interne ou sur le terrain. Je veux avec ce texte montrer que ce métier est génial pour celui qui l’aime et qui sait l’apprécier.    C’est à chaque individu de trouver le positif pour pouvoir avancer, grandir et en faire une force.

Ecrit le 08 Septembre 2021 par Marie-Hélène Monteil Mouton

 


 Les règles de base de Marie-Hélène Aide à Domicile

1- Au règlement intérieur de ton service tu te plieras

Avec bienveillance tu interviendras

2- Sauf exception tu vouvoieras

Aux valeurs (respect, dévouement,adaptation,discrétion,honnêteté,politesse,gentillesse,        tolérance) tu te soumettras

3- Dès ton arrivée bonjour tu diras

Tes soucis à la maison tu laisseras

4- Ta hiérarchie, tes collègues, les bénéficiaires et leur choix de vie tu respecteras

Ses repères tu préserveras

De ses besoins et attentes tu t’enquierras

5- En professionnelle que tu es ton travail tu feras

Et du mieux que tu peux tu accompagneras

6- Que ce soit pour la toilette ou les repas avec attention et patience tu aideras

7- Pendant ton intervention de te mettre à sa place tu essaieras

Aux questions qu’est ce que je voudrais ou qu’est ce que je ne voudrais pas tu répondras

8- Des devoirs et des droits réciproquement chacun s’y conformera

Aux limites de tes compétences tu penseras

De les imposer tu t’emploieras

9- Puis au revoir tu diras

Si tu pars avec le sentiment d’avoir accompli une bonne action fière de toi tu seras

10- Si ces recommandations tu ne suis pas, te remettre en question tu devras

 

 Ecrit le 22 Novembre 2021 par Marie-Hélène Monteil Mouton

 

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